Le métier de frigoriste, essentiel dans des secteurs comme l’alimentaire, la climatisation, et le médical, est aujourd'hui en proie à une forte pénurie de main-d'œuvre. Ce professionnel, chargé de la conception, l’installation, la maintenance et la réparation de systèmes de réfrigération, est devenu crucial pour le bon fonctionnement d’industries variées. Pourtant, les entreprises peinent à recruter et à fidéliser ces experts. Cette situation critique est liée à plusieurs raisons, allant du manque de formation adaptée, à l’orientation des jeunes vers d’autres filières et des conditions de travail souvent exigeantes.
L'une des premières raisons de cette tension est la formation, qui ne semble plus en adéquation avec les besoins actuels du secteur. Les technologies de réfrigération ont évolué rapidement au cours des dernières années avec une réglementation accrue sur l'efficacité énergétique et les normes environnementales (comme les fluides frigorigènes moins polluants). Cependant, les formations n’ont pas toujours intégré ces évolutions techniques dans leurs cursus, ce qui crée un décalage entre les compétences des diplômés et les besoins concrets des entreprises. Ainsi, beaucoup de techniciens arrivent sur le marché du travail sans la spécialisation nécessaire, ce qui impose aux employeurs de compléter leur formation en interne.
Les formations existantes, comme le CAP Installateur en Froid et Conditionnement d’Air ou le Bac Pro Technicien en Installations des Systèmes Énergétiques et Climatiques, sont également trop peu valorisées, et les places offertes ne suffisent pas toujours à satisfaire les besoins de recrutement. Par ailleurs, les centres de formation manquent de formateurs spécialisés, eux-mêmes attirés par des emplois mieux rémunérés dans le secteur privé.
Malgré la demande forte, les rémunérations proposées aux frigoristes débutants ne sont pas toujours à la hauteur de la technicité et des conditions de travail associées. En moyenne, un frigoriste gagne autour de 1 600 à 2 000 euros net par mois en début de carrière, ce qui est relativement bas en comparaison des compétences techniques exigées et des responsabilités qui incombent à ces professionnels. Avec des interventions parfois urgentes, des déplacements fréquents et des horaires atypiques (parfois de nuit ou le week-end), les frigoristes travaillent dans des conditions souvent difficiles. Mais le niveau technique en sortie de formation peut expliquer ce décalage entre salaire et lanque de connaissances. Après quelques annèes pour un technicien qui valide rapidement des connaissances, le niveau de salaire peut vite augementer, encore faut il qu'il reste dans la métier.
Il y à un turnover élevé dans le métier. Les techniciens frigoristes, une fois qualifiés, sont souvent tentés de se tourner vers des secteurs où la rémunération est plus attractive, comme le bâtiment, la maintenance industrielle ou même d’autres métiers techniques mieux rémunérés.
Les métiers manuels souffrent en général d'une mauvaise image auprès des jeunes et de leurs familles. Beaucoup ne voient pas le métier de frigoriste comme une carrière valorisante ou stable, ce qui décourage les vocations dès le secondaire. En outre, l’orientation scolaire ne met pas suffisamment en avant ces métiers techniques. Les conseillers d’orientation favorisent souvent les cursus généraux, et il y a peu de sensibilisation sur les débouchés et les besoins en main-d'œuvre dans des secteurs comme la réfrigération.
Cette méconnaissance est également amplifiée par le fait que le métier de frigoriste reste relativement invisible dans les médias et la société en général. Contrairement à d’autres professions techniques ou industrielles qui bénéficient d’une couverture médiatique (même modeste), le métier de frigoriste manque de représentation positive et valorisante.
En raison des évolutions technologiques rapides, les frigoristes doivent désormais maîtriser des compétences spécifiques, telles que la manipulation de nouveaux fluides frigorigènes, la gestion des systèmes informatisés de régulation et de monitoring, ou encore les normes environnementales en constante évolution. La pénurie de compétences dans ces domaines pointus crée un réel manque de techniciens qualifiés capables de répondre aux défis actuels.
Les professionnels en poste manquent souvent de temps pour se former à ces nouvelles compétences, et les programmes de formation continue restent peu nombreux et peu accessibles. Les jeunes recrues, quant à elles, sont souvent formées sur des équipements obsolètes, et les connaissances requises pour maîtriser ces technologies ne sont pas intégrées dans les formations initiales.
Enfin, le métier de frigoriste souffre d’un problème de fidélisation. De nombreux techniciens, après quelques années, choisissent de quitter le secteur pour des métiers plus rémunérateurs ou offrant de meilleures conditions de travail. Les entreprises investissent dans la formation de leurs salariés, mais peinent à les retenir une fois formés. Ce turnover élevé contribue au manque chronique de main-d’œuvre qualifiée et ajoute un poids financier aux entreprises, qui doivent recruter et former constamment.
Face à ces difficultés, plusieurs initiatives pourraient être envisagées pour rendre le métier de frigoriste plus attractif :
Revalorisation des salaires : Améliorer les rémunérations permettrait d'attirer plus de jeunes vers ce métier et de réduire le turnover. Sous réserve qu'ils aient un minimum de connaissance à la sortie des formations. Une augmentation de salaire, associée à des primes pour les astreintes, pourrait rendre le métier plus compétitif face à d’autres secteurs techniques.
Adaptation des formations : Moderniser les formations pour inclure les dernières technologies et normes environnementales (CO2, R290, HFO), et augmenter le nombre de places disponibles en centre de formation seraient des leviers majeurs pour répondre à la demande. La formation continue, subventionnée ou facilitée, permettrait aussi aux techniciens en poste de se mettre à jour.
Communication et sensibilisation : Améliorer la perception du métier en organisant des campagnes de sensibilisation dans les établissements scolaires pour faire connaître les débouchés et l'importance du métier. Des témoignages de professionnels et des démonstrations pratiques pourraient attirer de nouvelles vocations. Appel à des influenceurs métiers.
Conditions de travail améliorées : Favoriser des horaires plus stables et mieux encadrés, et offrir des perspectives d’évolution au sein des entreprises, par exemple vers des postes de chef d’équipe ou de responsable technique, pourrait contribuer à fidéliser les frigoristes.
Le métier de frigoriste est en tension, victime d’un manque d’attractivité et d’un déficit de compétences adaptées aux évolutions technologiques. Pourtant, cette profession est cruciale pour de nombreux secteurs économiques. Revaloriser les salaires, adapter les formations, sensibiliser les jeunes et améliorer les conditions de travail sont autant de pistes à explorer pour pallier la pénurie actuelle et attirer de nouveaux talents vers cette profession en plein essor.
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